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    « La maigreur est ce qu'il y a de plus beau ».

    « Tu n'as pas honte d’avoir pris 500 grammes ? Voyons comment veux-tu rentrer dans un slim taille 32 maintenant ! »

    « Le corps le plus magnifique sera celui où la peau et les os ne seront séparés que de quelques millimètres pour ne faire qu'un ».

     

    La profession de mannequin était sans doute l'une des plus difficiles à exercer, puisqu'elle combinait à elle seule une immense pression physique et psychologique. Tout doit toujours être calculé, mesuré, dans le but de se rapprocher au plus près de l'état de perfection. Ce métier doit être perçu comme un hymne national, une règle à ne pas déroger : « la beauté humaine suprême réside dans la perfection », « tu dois te battre corps et âme pour l'obtenir ». Au premier abord, ce proverbe pourrait être quelque chose de positif. En effet, le fait se battre corps et âme afin d'atteindre la perfection pourrait être assimilé à une quête du bonheur, un état stable et paisible, profitable à l'Homme dans le temps. Cette phrase aurait donc pu être une intention bienveillante envers l'Homme. Mais la société en décida autrement, évidemment. La quête du bonheur serait beaucoup trop simple si la société ne venait pas y insérer des obstacles à tout va.

    Vous ne devez pas être sans savoir que celle-ci impose des normes, des valeurs aux individus. C'est totalement absurde de penser que l'Homme ne pourrait être guidé que par soi-même. Il lui faut un supérieur, un modèle à suivre. Mais là n'est pas la question. Je ne suis pas ici pour indiquer aux individus à raisonner de telle ou telle manière.

    Alors, la société a décidé qu'un jour, à telle période, l'Homme serait beau si et seulement s'il est plus léger qu'une plume, admettant ainsi que sa santé doit donc côtoyer la mort au plus près. Eh bien oui, suivez le « conseil » ci-dessus voyons ! Les os et la peau ne peuvent être séparés que par la plus fine couche possible de peau. On a considéré que cette façon de voir les choses pouvait être assimilée à l'idée de « Beau ». Mais pourquoi ? La société ne présente pas réellement d'explication.

    En effet, nous arrêtons un individu lambda sur plusieurs échantillons de dix personnes sans localisation géographique précise. On leur demande si l'idée de l'Homme « beau » (étant celui qui cherchera à être le plus maigre possible, quitte à mettre sa santé en danger au degré le plus extrême) véhiculée par la société est une bonne ou mauvaise influence selon son opinion.

    Réponse : « Enfin c'est insensé évidemment, la société ne doit pas imposer le critère de beauté selon une morphologie précise. Chacun est beau ».

    Bien essayé oui. Cet individu précisément, cochera la case « mince » lorsqu'il choisira la morphologie qu'il trouvera belle sur un sondage de site de rencontre crée anonymement par notre enquête. Il se mettra à ricaner devant les choix stipulant des rondeurs assez présentes. Ainsi chacun démontre la même voie de la sagesse, mais pourquoi tous contribuent à faire vivre le principe « interdit » ?

     

    La société tente alors d'effacer les stéréotypes envahissant les esprit des individus, sans savoir que c'est elle qui les alimentent en permanence. Elle est un ange le jour en prônant des valeurs essentielles aux hommes, puis se transforme la nuit, en un diable obsédé par le désir de mal.

     

    **

     

    J'étais assis plus ou moins au fond de la salle, en attendant que le spectacle commence. J'avais gentiment accepté l'invitation de mon amie Nina en promettant d'assister à un des défilés de mannequinat les plus importants de sa carrière. En effet, c'était un événement à ne pas louper.

    J'étais vraiment venu dans le but de lui faire plaisir puisque je détestais ce genre d'endroit. Ma vision des choses n'était pas du tout en accord avec celle des individus fréquentant ce milieu. Avant même d'occuper mon siège dans la salle, j'entendais déjà des « regardez comme elles sont belles, avec leurs tailles extrêmement fines. On perçoit la beauté émanant de tout leur corps » ; « Cette pièce est si bien portée sur une femme de ce genre. Certaines ne pourraient même pas y enfiler leur doigt de pieds ! ». Et des rires. Des rires cauchemardesques. Des ricanements incessants. Des injures, des propos blâmant autrui, quoi qu'il puisse être.

    Lorsque le défilé a commencé, je tentais de m'apaiser. Les pièces haute-couture de la collection concernée étaient effectivement présentées sur des mannequins longilignes où l'on pouvait compter le nombre de côtes tentant de s'extirper des parcelles de peau qui les recouvraient.

    Puis ce fut au tour de Nina.

    Elle était magnifique, dans cette robe pourpre. Elle resplendissait, et sa démarche était très assurée, témoignant de sa mûre expérience dans la profession. Puis à la grande surprise du public, elle s'arrêta brusquement. Elle me lança un remarquable sourire, puis prit la parole. Elle fixa son regard dans le mien durant tout son discours :

     

    « Je m'adresse à toi, toi, toi, et toi aussi. Je m'adresse à la société entière.

    Depuis que j'ai débuté ma carrière en tant que mannequin professionnelle, je n'ai jamais autant subi ma vie. En effet, ces cinq longues dernières années, je ne me suis jamais sentie aussi morte depuis que ma vie a commencé. Je tue mon corps jour après jour, sans savoir pourquoi j'obéis à cette voix qui résonne sans cesse dans ma tête. En effet, toi, ma société adorée, tu puises dans les dernières ressources qu'offrent mon corps afin de me laminer, de me réduire en miettes. La société n'a qu'un but : créer, puis détruire pour exister et subsister. La société se maintient au pouvoir en indiquant aux individus des règles à suivre, dont elle connaît pertinemment les conséquences. Elle crée une idée qui aveugle les hommes, puisqu'elle détient ce pouvoir de tous les soumettre à elle, et la fait exister tant parfois est-elle malveillante. Elle les tuent, mais relance un nouveau principe idéal à suivre. Et tous replongent la tête la première.

    Il y a cinq ans, je faisais 52 kilos. La société a exigé de moi de n'en faire que 40 afin de rentrer dans le moule du « beau », valeur essentielle concernant ma profession. Je ne me nourrissais plus, je n'avais plus aucun plaisir à vivre, j'étais passive par rapport à mon existence, que je subissais au travers du temps. J'ai gâché ma vie en me rapprochant petit à petit de la destruction, du mal-être, de la mort. Effectivement, j'ai réalisé ce que toi, société, tu m'as gentiment demandé.

    Il est temps aujourd'hui de te faire comprendre que la beauté ne réside pas dans la quête de la maigreur extrême, mais dans l'authenticité de chaque individu. La beauté est au fond de chacun, puisque nous sommes tous uniques. Notre différence créée la richesse de notre monde. C'est cela la vraie beauté. Ce n'est pas avoir la fierté de rentrer dans un 32, mais de proclamer haut et fort que nous sommes par beau par notre différence. Tous les corps sont beaux. Ronds, minces, grands, petits. Ces mots ne devraient même pas représenter quelque chose pour signifier, désigner un corps, puisque chacun est unique. Être soi-même, c'est la clé de la beauté ».

     

    Nina avait lu ma thèse. Je le savais au vu de la façon dont elle me regardait. Elle n'avait jamais été aussi heureuse dès lors.

    Une semaine plus tard, le décès de Nina était sur toutes les unes des journaux du pays, avec pour titre « Les normes et valeurs discrètement chuchotées par la société sont-elles toujours bonnes à suivre ? Nina, un décès causé par l'anorexie ».

     

    Note : Cette création est basée sur un principe de réflexion personnelle. Je ne viens en aucun cas, émettre une critique vis-à-vis de qui que ce soit en particulier (mis à part la société dans son ensemble). J'espère que vous aurez apprécié la lecture.

     


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    Supposons la richesse, l'intelligence, ou encore la puissance. Aucun de ces précédents atouts ne

    pourraient percer le secret ultime. La richesse ne pourrait l'acheter. La puissance ne pourrait l'obtenir.

    L'intelligence ne pourrait le dompter. Misère... La solution ne se trouve dans aucunes des mains, aucuns

    des portefeuilles, aucune des têtes des sept milliards d'être vivants ici. Chaque personne l'attend

    impatiemment : au coin de sa fenêtre, au creux de ses draps, à Noël, dans son jardin. Non, aucun lieu

    n'est approprié pour le trouver. Il joue à cache-cache avec nous, toujours plus imperceptible que jamais.

    Il n'a aucune pitié, puisqu'il ne nous laisse même pas une miette d'un quelconque indice. Lorsqu'on

    prononce son nom, il ne répond jamais. Peut-être est-il sourd ? Là encore, le portefeuille ne répond

    toujours pas. La puissance se retrouve elle aussi démunie, disposant d'une force physique totalement

    inutile face au problème. Et le petit dernier... L'intelligence. Oui, elle qui sait se creuser la tête, trouvera

    forcément une solution ! Non, l'intelligence répète : « je déclare forfait ». Aucune qualité possédées par

    les hommes ne pourraient répondre à cette question. Alors les individus, l'intelligence, la richesse, la

    puissance, sont dévorés par la frustration de ne pas pouvoir le reconnaître, l'amadouer et enfin le

    contrôler. Ainsi, ayant compris le mécanisme, il se joue des hommes et de leurs gratifiantes qualités. Il est

    mesquin, fourbe, parfois généreux, parfois terrorisant et blessant selon ses humeurs. Les hommes tentent

    de l'influencer chaque jour par toutes les moyens possibles et inimaginables. Mais rien n'y fait, il ne

    manifeste toujours aucune présence, aucune réponse.

    Il est souvent désespérant, diront les hommes.

    Mais pourtant, il est à la fois si loin, et si proche d'eux. Il observe le monde et ferme les yeux sur celui-ci à

    la fois. Il laisse sonner le téléphone, mais raccroche lorsque l'on interpelle son nom.

    Il déstabilise.

    Il surprend.

    Il questionne.

     

    Telle est notre destinée.  


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    L'Homme est inconscient du temps qu'il dispose. Il est aveuglé par tous ses désirs, tandis que les secondes
     passent au dessus de sa tête. La partie est lancée, c'est à vous de jouer. Lorsque le dé est jeté, il est trop tard
     pour reculer, Ô cher Hasard. Idée sombre et cruelle, cher Temps. Tu te joues de noues. A peine as-tu lancé ton
     compte à rebours, que tu caches ta durée. Ton nom raisonne dans nos esprits naïfs. Telles de fidèles
     progénitures, nous attendons les ordres de notre père. Qui décideras-tu de favoriser ? Nos efforts sont vains,
    rien ne va influencer ta décision, toi seul est maître de notre destin. Tu dévores chacune de nos inspirations, et
    réduit peu à peu le temps de nos aspirations. Ô tornade ! Tu emportes avec toi hommes, femmes, enfants à
    chaque parole. Rie de nous, mystérieuse chose. Sera un temps où l'Homme te volera ta place. 
     
    (Inspiration survenue suite à une réflexion personnelle sur le poème "L'Horloge" de Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, 1857).

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    Je m'appelle Elyna, et j'aime deux hommes.

     

    Aujourd'hui je me marie avec l'un d'eux, délaissant l'autre par l'union que la société a crée. Pourquoi mon pays a

    dicté le fait d'aimer et chérir une seule personne, et pas plusieurs à la fois ? Mon cœur est tiraillé par deux bras à

    force égale, qui le déchire. Ils abîment inconsciemment petit à petit mon organe de vie, qui pleure un peu plus chaque

    jour. Est-ce ma faute d'éprouver un amour pour deux hommes ? Suis-je coupable d'un acte horrible ? Je sais qu'ils

    souffrent, mais savent-ils que je paye la même caution ?

    Je m'avance pas à pas, mon père à mon bras, vers l'union fatale. Tous les regards sont posés sur moi et j'ai

    l'impression de trahir chacun d'eux. Je suis apeurée. Plus je m'approche, plus volonté et regret s'entrechoquent. Je ne

    sais lequel va gagner et je n'ai pas envie de connaître le résultat. J'aimerai m'enfuir, tandis que l'horloge sonne les

    derniers coups de ma liberté amoureuse. Je sens la pièce emprisonner mes pensées peu à peu. L'alliance que je

    perçois au loin absorbe mon souffle et me pousse vers un gouffre de malheur. Je lève les yeux, désespérée. Je croise le

    regard de mon futur mari, il sourit. Mes yeux clignent, et le visage de mon autre amour apparaît. Soudainement un

    élan de folie s'empare de mon corps. Mes jambes me crient de fuir et j'écoute leur message. Je cours aussi

    rapidement possible, soulevant ma robe blanche, et j'entends déjà les éclats de voix des individus.

     

     

    Je plonge dans le lac situé devant l'église pour m'y reposer éternellement.  


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    Je savais que tous les doigts étaient pointés sur ma personne. Une jeune fille s'est tournée vers sa voisine. Elle
    cachait son oreille avec sa mère, et semblait lui révéler un terrible secret tout en me fixant du regard.
    Je savais quel'on parlait de moi. Parfois, j'entendais quelques injures s'échapper de bouches innocentes.
    Ces quelques mots légers pour l'auteur s'alourdissaient pour le destinataire. Je savais que l'on me
    regardait comme une bête, la risée du monde peut-être. Une chose, dégueulasse que l'univers n'a pas
    pu cacher. Leurs yeux m'épiaient toujours de haut en bas, ils m'analysaient sans cesse. Je n'entrais pas
    dans leur définition du mot "normalité" sans doute. Mais qu'est-ce que la normalité ? Est-elle
    définissable ? Ne te cache pas, saleté d'idéalisme imaginaire. Tu es créée par une chose détestable qui te
    reflète : l'humain. Cette satanée société humaine. Cette société qui juge un bout d'elle même. N'as-tu
    pas honte ? Regarde toi. Observe à quel point tu es sale et sans coeur. Je suis ce que tu nommes
    différente de ton rêve, ton paradis. J'ai cassé ton chemin droit et parfait. J'ai pris un sacré virage, et je
    sais que je ne suis pas la seule. Ecoute moi, toi qui lit ces mots. Affirme toi, si tu te reconnais. Oui toi,
    que l'on considère comme la pièce supplémentaire d'un puzzle déjà complet. Affirme ta raison d'être,
    ta façon de penser, de t'habiller, de te comporter. Tu ne rentres pas dans leur case ? Tant pis. Ait ta
    propre opinion, ton propres style, ton propre toi. Ils sont tous similaires, sans authenticité. Tu vaux
    mieux que ça non ? Ne pleure pas, ne t'oblige pas à devenir quelqu'un que tu n'es pas, à ressembler à
    leur image sans défauts. Ne cède pas à cette société ce que tu as de plus précieux, ne tombe pas dans
    leur piège. Fais face aux regards pesants, torture leurs esprits avec ta fierté. La rage s'emparera d'eux
    et tu gagneras bien plus qu'une guerre personnelle. Tu gagneras pour ceux qui se cachent, se privent
    et qui souffrent de cette cruelle époque. "Tu fais peur à mes enfants, ils te trouvent bizarre" disait une
    mère avec ses marmots, me désignant. 
     
    J'étais Lou, un piercing dans le nez, des collants déchirés, aimant le noir, mes cheveux couleur rouge sang.
    Aujourd'hui, je ne fais plus parti de ce monde. Malheureusement, j'ai abandonné ma guerre, j'ai décidé d'abdiquer.
    J'ai rejoins la mort, qui me tirait de plus en plus fort dans ses bras au fil des mois. La force, le courage d'affronter
    les autres me manquaient. En mettant fin à ma vie, j'ai pensé que je soulagerai autrui. J'ai fais une grave erreur : je
    lui ai donné raison. 

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